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Vers une entreprise intégrale : ADN, conditions et moyens

vieille-vie-et-nouvelle-vieGénéralement, après avoir présenté divers éléments de l’approche intégrale, dont la spirale dynamique, ou mon Approche Synergique, quelques questions portent sur ce que serait une entreprise « jaune », ou bien « comment amener du jaune dans l’entreprise ?» en référence au code couleur attribué à la première vague de développement du second palier de la spirale dynamique.

Plutôt que de parler « d’entreprise jaune », il me semble plus opportun d’utiliser les termes « d’entreprise intégrale », ou éventuellement « d’entreprise du second palier » : En effet, le code couleur, s’il facilite la mémorisation du modèle de la spirale dynamique, présente le risque d’une simplification abusive, de confusions avec d’autres représentations ou modèles, et d’un « étiquetage » qui pourrait s’avérer générateur de résistances, voire même clivant, ce qui irait à l’opposé du but recherché !

Ci-après quelques réflexions sur ma vision de ce que serait une entreprise intégrale, ou sur les moyens par lesquelles il serait possible de tendre vers cet objectif au quotidien. (« mettre du jaune » !)

Qu’est-ce qu’une entreprise intégrale ?

Je distinguerai trois aspects : La philosophie générale et la vision (sens, valeurs, positionnement sociétal), les modalités de fonctionnement (modalités d’analyse et de pensée, ainsi que d’action au quotidien), et la stratégie d’action.

Les deux premiers aspects constituent les deux facettes incontournables d’une approche véritablement intégrale : la vision, et l’action pratique. Le troisième est issu de mes travaux sur l’ordonnancement des étapes de la mise en œuvre de ces deux facettes au sein des systèmes et organisations, ayant abouti à la création de mon «Approche Synergique».

I/ : La philosophie générale et la vision :

Le mème « jaune » est systémique, holistique …

Tout d’abord, une entreprise intégrale a invariablement une vision globale et holistique, et un regard systémique. C’est en effet la caractéristique principale du « mème jaune » (un mème est un système de pensée, de valeurs, lié à un environnement socio-culturel ; également nommé « vague de développement » par l’approche intégrale)-

A. Une « vision globale et holistique » : Une entreprise intégrale regarde «le Tout», au moins autant que « les parties »,  et souhaite mener son projet avec le souci des équilibres de ce «Tout», et non pas pour favoriser les résultats d’un registre unique au détriment des autres.

B. Ainsi, elle dépasse, bien que l’incluant sans la rejeter, la vision dualiste, réductionniste, souvent trop « réduite » à un critère unique, et donc trop simplifiée : Elle a compris la nécessité de la «pensée complexe», qui intègre et relie l’ensemble des connaissances, facteurs, critères, composantes …

C. Un regard systémique : Ses analyses, son action, ses stratégies, son pilotage, son management sont envisagés en tenant compte de l’inter-relation entre tous les domaines, registres et aspects de son quotidien, tant dans ses fonctionnements en interne que dans son impact et ses interactions avec son environnement externe (sociétal, économique, naturel …)

D. Elle est donc attentive aux interactions entre les divers niveaux, registres, fonctions, missions, autant qu’aux résultats (positifs ou négatifs) de l’un ou l’autre d’entre eux : Elle a compris que se focaliser sur un endroit qui fait symptôme n’est pas forcément la stratégie la plus ajustée, et qu’il vaut mieux appréhender le fonctionnement d’ensemble, identifier l’enchainement des causes et des effets, et adopter des actions à effet systémique plutôt que des remèdes « mono-centrés » (Focalisés sur un ou deux registres : le plus souvent commerciaux ou économiques).

E. De ce fait elle privilégie des modes de décision et de régulation qui émergent de la rencontre la plus efficiente possible de toutes ses énergies, forces et atouts : Elle active les énergies individuelles vers la construction et le développement mutuel, plutôt que de confiner les énergies dans des modes de fonctionnement générateurs d’oppositions, de freins et de résistances.

F. Elle sait que les solutions toutes faites n’existent pas, et qu’aucune solution n’est unique (« LA bonne solution »). Par contre, chaque situation étant, elle, unique, une entreprise intégrale accepte qu’il lui sera le plus souvent nécessaire d’inventer, à tous les niveaux, ses propres solutions et méthodes d’action et de régulation, plutôt que de copier sans discernement les solutions appliquées par d’autres !

G. Elle admet que les solutions mises en œuvre devront évoluer en fonction de l’évolution de la situation : Ainsi, elle voit ces solutions comme des pistes d’action ou des options possibles, et non comme des « vérités absolues » ou des « principes incontournables et définitifs» : Elle est « agile, flexible, souple … » sans que ce soit pour autant un prétexte pour des choix potentiellement destructeurs de l’équilibre général, qui seraient exclusivement motivés par l’intérêt économique.

H. Elle installe des modes de gouvernance et de pilotage qui font appel à l’intelligence collective, et donc aux compétences d’animation et modalités décisionnelles nécessaires au déploiement efficace de cette intelligence collective.

I. Elle développe chez l’ensemble de ses collaborateurs cette culture de la vision globale et de l’action systémique, en mettant en oeuvre les moyens de l’évolution des mentalités de tous ses acteurs en ce sens.

J. Pour ce faire, elle sait que seule la bonne volonté et les grands principes ne suffiront pas, car les mécanismes individuels et collectifs liés aux dynamiques piégées des egos déterminent les fonctionnements face aux contraintes de la réalité.

L’entreprise intégrale met  donc aussi en place des stratégies qui vont faciliter la compréhension, la conscience et le dépassement des ces mécaniques piégées de l’ego : Cela commence par un éclairage plus clair et structuré de ce qu’est l’ego et son fonctionnement, seul moyen de ne pas se limiter au trop fréquent constat : « c’est un problème d’egos », certes exact, mais qui ne résout rien !

K. Elle sait donc qu’elle doit s’entourer d’accompagnants extérieurs qui disposent à la fois de distance par rapport à ses contraintes, et qui sont porteurs de la vision, des valeurs et de compétences intégrales (à la fois dans les domaines objectifs et subjectifs, et les aspects concernant le collectif et les personnes).

L. Elle a aussi une claire compréhension que tout déséquilibre de court terme qui se maintiendrait dans le temps finira par installer des déséquilibres sur le long terme, et que ceux-ci seront porteurs de conséquences.

Sa vision globale se double donc d’une volonté de stratégies «durables» sur le long terme : ses décisions et choix d’options, à tous les niveaux, sont éclairées par la prise en compte des effets systémiques à court et à long terme.

M. Pour que tout ce qui précède soit possible, l’entreprise intégrale a compris que les ambivalences, incertitudes, paradoxes, font nécessairement partie du chemin, et elle ne fuit ni le débat à leur sujet, ni leurs possibles conséquences émotionnelles : Les modes de management, d’animation, d’accompagnement intègrent donc ces données subjectives.

N. L’authenticité, le dialogue sincère et ouvert, le respect mutuel sont donc les moteurs de la communication interpersonnelle, à tous les niveaux;  et l’autonomie, l’intégrité, la créativité sont favorisées car vues comme source d’épanouissement tant individuel que collectif.

O. L’entreprise intégrale s’appuie sur les hommes et les femmes qui partagent ces valeurs et veulent incarner le niveau de conscience de ce second palier, par leurs attitudes et postures se situant au-delà des immobilismes et égocentrismes.

P. Ce nouveau positionnement ne peut résulter que d’un choix conscient et d’un engagement résolu à faire partie de ceux qui cherchent des solutions aux multiples crises que nous traversons, plutôt qu’à perpétuer les modalités de fonctionnement qui les ont générées.


Le nombre d’individus ou de systèmes ayant développé le type de conscience nécessaire à ces diverses conditions, adopté les prémisses du paradigme qui les sous-tend, et acquis les compétences nécessaires à mettre en pratique cette vision au quotidien, est évidemment encore faible.   Mais les prises de conscience s’accélèrent devant l’amplification des phénomènes liées aux nombreuses évolutions de notre époque dans tous les domaines.

Une telle approche sera de plus en plus vue comme incontournable, non par conviction ou croyance liée à un des systèmes de valeurs et de pensée qui s’opposent actuellement, mais par compréhension rationnelle des ressorts de la complexité et de la nécessité de rendre complémentaires ces valeurs qui s’opposent, non seulement entre les organisations et entre les individus, mais au sein même de nos propres représentations.

II/ : les modalités de fonctionnement :

Le mème «jaune» a intégré tous les mèmes qui l’ont précédé  c’est à dire qu’il les inclut, sans les rejeter, mais qu’il en dépasse les effets pervers.

Que ce soit au niveau individuel ou à celui d’un collectif, atteindre ce stade de conscience et ce type de valeurs  sera le résultat d’un lent processus de maturation, dans lequel une vision holistique et systémique suppose d’avoir appris à composer avec tous les registres , domaines, systèmes de culture et de valeurs.

Une entreprise intégrale ne peut donc se contenter de se fonder sur sa vision globale et holistique, elle devra aussi, d’une part apporter des solutions concrètes à effet systémique et d’autre part mettre en œuvre les moyens de management, d’animation, de réflexion, de pilotage, qui permettent d’utiliser à bon escient les forces, énergies et atouts de chaque mode de pensée et système de priorisation de valeurs du premier palier, tout en en régulant les effets pervers possibles.

A. Des solutions à effet systémique
Contrairement aux solutions « mono-orientées », visant la réduction d’un symptôme, les solutions systémiques n’agissent pas forcément là ou le problème est visible : Les modalités d’analyse et les types de solutions systémiques obéissent à d’autres règles, qu’une entreprise intégrale se doit de connaître et faire connaître à ses collaborateurs.

B. La complémentarité de tous les domaines, registres, niveaux, types de besoins, plutôt que leur opposition

L’approche intégrale a développé des outils permettant d’identifier divers niveaux, registres , domaines, et systèmes de représentations et de priorisations de valeurs (des «mèmes»).

Mes travaux personnels m’ont amené à relier ces mèmes aux dynamiques des egos, et aux divers types de besoins de l’individu humain, ce qui a débouché sur l’Approche Synergique, qui propose quant à elle une stratégie d’action visant à développer la cohésivité des acteurs (collectifs et individuels), grâce à une structuration claire des niveaux de l’action et un ordonnancement optimal des étapes à suivre.

Quels sont donc ces composantes dont les évolutions de notre époque font qu’elles s’opposent plus souvent qu’elles ne se complètent ?

  1. Les domaines dits « objectifs » (observables de l’extérieur, mesurables, objectivables, …) et ceux des aspects subjectifs (intérieurs, invisibles, accessibles seulement par l’expression de leur « porteur »)
  2. Les aspects collectifs, et ceux appartenant à des fonctionnements individuels
  3. Divers niveaux de besoins :
  • Survie –sécurité : Survivre économiquement
  • Satiété : Possession
  • Sens- créativité : Rêver, imaginer , innover
  • Pouvoir et puissance : Se mettre en énergie pour avancer efficacement et « conquérir ses rêves, ou ses désirs »
  • Maîtrise et contrôle : Organiser, planifier, réguler et administrer
  • Compréhension – Développement- Progrès : Rationaliser, gérer et produire du profit, adopter une démarche scientifiquement étayée
  • Identité : Image de soi, appartenance
  • Autonomie-Liberté
  • Relation – Plaisir – Expression : Harmoniser et réguler les relations entre acteurs tout en permettant leur développement et un équilibre personnel au travail … l’inter et l’intra-personnel.
  • Réalisation – dépassement :

Chacune de ces dynamiques est utile, voire nécessaire, mais devient porteuse d’effets pervers dès lors qu’elle devient excessive ou créatrice de déséquilibres dans le fonctionnement de l’ensemble  des dynamiques entre elles.

Sans négliger la nécessité de savoir prioriser tel ou tel registre à un moment ou un autre, une entreprise intégrale cherchera à comprendre les mécanismes complexes générateurs de déséquilibres entre ces composantes,  et envisagera les moyens de les réduire, ce autant dans les phases d’analyse, d’élaboration de projet, que de changement, dans son « quotidien ordinaire » ou dans les moments de régulation.

Cela se traduira dans les modalités d’action au quotidien :

  1. Par la vigilance qu’à tout instant, chaque composante est intégrée dans la réflexion et l’action, et ce autant pour en prendre en compte les avantages que les inconvénients, et les effets à court comme à long terme.
  2. Par l’attention à ce que chaque porteur d’une des composantes la défende de manière contributive à l’équilibre du « tout » et non pas au service –conscient ou inconscient- de sa propre priorité ou vision.
  3. Par des modes d’animation et de pilotage des processus permettant ce que les oppositions soient conscientisées, décodées, et facilitant le dialogue, afin de passer des oppositions d’intérêts sectoriels ou individuels à une décision collective qui marque le passage de l’opposition à la complémentarité.
    (Recherche de consensus (« gagnant-gagnant » : jeu à somme positive) plutôt que de compromis (« perdant-perdant » : jeu à somme négative) ou de décision majoritaire (« gagnant-perdant » : jeu  somme nulle)
  4. Par l’offre d’une réelle perspective d’autonomie de chaque acteur, mais dans le sens de l’avancée collective.
  5. Par la possibilité de prendre en compte des idées créatives, des solutions inattendues ou décalées, des options pas encore essayées : La représentation dualiste négative « échec-réussite » étant ainsi remplacée par lune représentation positive « essai-réajustement » dans laquelle la notion d’échec ou d’erreur font place à celle d’expérience.
  6. Par l’installation de processus de suivi et de régulation efficients pour l’équilibre général du système et des individus qui le composent.

Ces modalités de fonctionnement au quotidien gagneront à suivre une stratégie d’ensemble optimale , parce que cohérente, consciente et structurée.

III/: L’entreprise intégrale : Une stratégie synergique

En effet, s’il n’y a pas de solution unique ou « toute faite », il n’en est pas moins vrai qu’il existe des lois présidant aux freins, résistances, modalités du changement, et de développement des individus et des systèmes.

L’action pédagogique ou managériale porte en fait sur des niveaux différents, certains opérationnels, d’autres fonctionnels, et d’autres « générateurs ».

De nombreuses confusions sont possibles entre niveau du résultat souhaité, niveau des fonctionnements, et niveau des « sources de fond » du changement. Egalement, il convient de distinguer entre action sur des savoir-faire, des Savoir-être, des représentations, et ce que je nomme des « instruments » de l’homme.

Sans négliger le nœud de la difficulté, à savoir les dynamiques piégées des egos.

Un processus de transformation intégrale réunit toutes ces dimensions dans une stratégie cohérente coordonnée, respectant des étapes qui tiennent compte de ces lois et niveaux.

Les sciences dites « molles », en apportant leurs travaux et recherches sur les facteurs humains, apportent ici leur plus grosse contribution aux sciences exactes, et diverses approches des courants post-modernes et intégraux, encore très peu entrées dans les contenus universitaires français en sciences humaines sont des références nécessaires : La palette des approches citées par l’approche intégrale pour une pratique transformative de vie (« PTI ») est un précieux référentiel.

L’approche synergique, que j’ai créée et que je cherche à développer, apporte, notamment à travers « la Matrice Synergique » une « cartographie et les outils de navigation » qui permettront d’avancer de manière choisie et éclairée sur le chemin du développement vers l’entreprise intégrale.

La première condition étant évidemment qu’un petit nombre d’individus vivent pour eux-même cette transformation, et qu’ils s’impliquent et s’engagent résolument au sein de leur entreprise et de leur entité, et au fil de leurs fonctions et missions sur cette voie de transformation.

Dans l’histoire, toute renaissance ou révolution a toujours été portée par un petit nombre d’acteurs convaincus et passionnés, prêts à prendre des risques pour faire avancer le progrès auquel ils croyaient : La transformation intégrale n’y dérogera pas : C’est selon l’intensité des engagements de ceux qui la portent qu’elle sera, ou ne sera pas.

Dans ce second cas, les phénomènes régressifs, dont on mesure l’amplification de l’intensité, ne pourront que se multiplier, sans autre force régulatrice que le retour à des modes de gouvernance ou la loi du plus fort sera reine , qu’elle soit puissance étatique faite d’autorité et de contrôle, ou puissance des egos, faite de violences ou d’égocentrismes.

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